Textes : Charles Marko
Sprotogrammes: Jean-Michel Uyttersprot
28 pages
Quand je croise mon visage, il grimace. Il ne me reconnaît plus depuis toi. J’ai les rides trop
profondes pour t’oublier. T’ignorer. Te couper en trois parts égales, hier, demain et aujourd’hui, te
souviens-tu, nous étions amants, comme jamais.
Comme jamais la grosse tenancière de ma vie où je m’affale toutes les nuits et qui creuse, et
qui creuse de ses énormes mains sous l’ourlet de mes souvenirs, je t’aimais bien, tu sais, ivresse
spontanée, et qui stagne, et qui stagne.
Tu dois être vieille à présent. Je reste jeune. Ne pourrirais que si de ma mémoire, s’envolent tes
gestes et tes odeurs, tu es en cage, juste là, entre le coeur et le coeur, juste un peu en dessous, juste
à côté d’une mort tenue en laisse par tes senteurs et ces latitudes qui me font vivre, par-delà.
Par-delà nos racines, comme d’immenses étreintes enfouies sous la terre, germination infantile,
premier mot, premier pas vers cette première jouissance qui fit d’une aube, un antre de fauves. Nos
corps me manquent.
Nos corps me manquent.