Photographe ???
Vous qui prenez ce livre en main, passez cette préface si vous connaissez l’œuvre d’André Fromont et replongez vous illico pour la énième fois dans la contemplation de ses photographies car, comme l’écrivait Nietzsche, « Une œuvre d’art n’est lisible que par approfondissements successifs. » Ne perdez donc pas de temps à lire mon blabla car je suis de l’avis du philosophe : l’œuvre d’art est intarissable à donner du sens au réel et de sublimes émotions à celui qui la regarde encore et encore. Chaque regard découvre une anatomie nouvelle et voile après voile l’œuvre se découvre un peu plus au voyeur sacré qu’est le véritable amateur, celui à qui l’humilité fait dire avec admiration et gratitude qu’il se trouve devant une chose qui le dépasse et dont les réflexions qu’elle suscite en lui sont indispensables parce qu’il se sent plus vivant qu’avant d’y avoir goûté. La création nous crée en effet, nous aliène de la médiocrité pour faire de nous, à notre tour, des créateurs, ‒ je veux dire des êtres meilleurs en opposition au destructeurs.
Ainsi est l’œuvre de mon ami André : créatrice de créateurs car il s’agit d’art. Ses photos ne disent rien d’elles au premier abord, elles nous appellent au contraire à nous faire parler nous, à raconter nos propres histoires. Si nous répondons à l’appel, alors l’osmose s’opère et, à la narration de nous-mêmes s’ajoute à celle de la photo pour qu’éclose une nouvelle histoire, une venue au monde, une naissance.
Mais s’agit-il de photos ? André ne s’intéresse pas à « l’instant décisif », pour citer Cartier-Bresson. Le moment, que le génial photographe capturait et qui miraculeusement se transcendait pour rendre compte de l’Histoire avec un grand « H », n’est pas le propos d’André. Je dirais même qu’André n’est pas photographe. S’il fallait le cataloguer en tant qu’artiste, je dirais qu’il est plutôt peintre, un peintre sans pinceaux et à quatre mains, si je puis m’exprimer ainsi. Son travail, à partir de la réalité passée ou contemporaine qu’il déforme à souhait pour la rendre méconnaissable et l’abstraire ainsi du temps, m’apparaît plutôt comme pictural ‒ beaucoup de ses œuvres par les déformations du réel qu’elles montrent me font penser à Francis Bacon ‒ parce qu’il n’y a chez Fromont aucun souci de témoignage mais bien, comme je le disais plus avant, une invitation pressante, à partir d’une amorce narrative, à construire avec l’image qu’il propose une histoire, une création originale. « Allez ! », semble vous intimer la photo, « viens que je fasse partie de ta vie, viens me raconter ton hisoire pour mieux l’oublier, viens je t’invite à réécrire nos vies ». D’où les quatre mains, comme au piano.
Les histoires seront aussi nombreuses qu’il y aura des gens à se laisser entraîner à jouer le jeu interactif que propose mon cher ami Fromont : celui de l’infinie création pour faire la nique à la mort.
Lorenzo Cecchi, écrivain
Dim 21x 15 cm
48 pages
Signé et numéroté
Editition de 100 exemplaires